Sunday 2 January 2011

Problèmes aux solutions

" Mon père disait qu'en ce siècle de laisser-aller, tout tend à faire des hommes médiocres. "
Stendhal, Mémoires d'un touriste

Hier, en faisant mon petit tour de la toile (petit, le tour de la Joconde, 77x53 cm, pas celui de Guernica 349,3x777,6 cm) je rencontre le site "Brother solution service." Un peu décontenancé par cette découverte, je sors me dégourdir les papattes. En faisant mon petit tour (du pâté, de maison, s'entend) je tombe nez à nez avec une publicité vantant je ne sais quelles "solutions bidule." Décrétant finie la promenade, je rentre chez moi. Mon téléphone sonne: ma cousine me transmets ses bon vœux. Et, sur le ton de la plaisanterie, je lui demande si elle fera sienne la devise de son école: "You have the answers."? La plaisanterie ne m'a pas plue (étonnant de se décevoir d'une plaisanterie, non?) et m'a même fait replonger plus loin dans cette perplexité linguistico-sociale: pourquoi le monde produit des solutions?



Si la solution est le dénouement d'une difficulté (Littré), elle est surtout le résultat d'une réflexion (Larousse). Ces publicités ne posent plus la réflexion: elles apportent tout de suite, et sur un plateau, La solution. Il y a comme une compression temporelle: on a à peine le temps d'être ennuyé par la question, que la réponse est la! C'est un peu le Mythe Google (à la requête "you have the answer" il trouve Environ 1 110 000 000 résultats en 0,19 secondes, mais tous sans aucun rapport avec l'école de ma cousine...) ou le mythe du sauveur, celui qui relève de la souffrance, qui supprime le problème.

La réflexion est reléguée au rang d'inutilité poussiéreuse et ne mérite que l'externalisation. Oui, il s'agit ici d'externaliser le problème, le problème tout entier: à peine formulé, il est dégagé de l'esprit, confié à ses experts qui sauront lui apporter la solution, clefs en mains.

Ne parlons pas de la difficulté qui est la difficile réflexion permettant la résolution d'un problème. Celle-ci est dégagée en touche, la ou nos grands pères la regarderont agoniser sur le banc de touche (au passage, la devise de mon grand père est celle de son école : FINIR). L'illusion des nouvelles technologies n'y est pas pour rien (Pensons aux millions de machines à calculer que sont les ordinateurs à notre disposition. Oui, un relent de Matrix, et alors?!?).


On externalise même l'application du "connais toi toi même" antique: comptez sur les nombreux stages de développement personnels ou de connaissance de soi pour cela!

Notre cher et adoré président a souhaité focaliser sa politique sur la redécouverte de la "valeur" travail. On le voit, sa proposition a capoté (1). La raison est simple: le travail est (par définition française) difficile. Or la difficulté c'est nul. Donc le travail c'est nul.


Soyons donc modernes et pleins partisans de la "génération micro-ondes" (2): génération du tout cuit dans le bec!




(1) Capoter, terme de marine, chavirer dit le Littré. Moi j'aime bien l'étymologie (inexacte, mais si drôle) de : recouvrir d'une capote et reléguer au fin fond de la remise à idées.
(2) Merci E.N.

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