Wednesday 16 February 2011

Dramatique proximité médiatique

Pendant qu'on regarde bondir gaiement dans le pré de la contestation sociale enrobée "l'affaire Lætitia", on déterre médiatiquement l'affaire "Elodie" à l'occasion du procès de leurs auteurs. Mais c'est sans parler du passé ou l'on a vu le triste sort réservé au "petit Dylan", à Jérémy et j'en passe.

De l'autre coté de la force (le coté obscure, vous l'aurez compris), on trouve Tony Meilhon, Jean Mécène Mathurin et Hicham Mayskhoun, des parents* dont le prénom a été changé, et "un mineur suspecté d'avoir porté des coups de couteau."

En bref, coté victime: des prénoms de manière quasi systématique. Coté auteur: nom prénom et mode opératoire. Alors pourquoi le "monde des médias" choisit t'il d'utiliser des prénoms? Deux raisons majeures à cela. D'une part, l'utilisation du prénom est moins dérangeante pour les familles. Le nom de famille, comme son nom l'indique est commun à toute la famille. L'utiliser reviendrait à surexposer médiatiquement la famille, qui a autre chose à penser.

D'autre part, et là, le pouvoir des mots prend toute sa dimension, l'utilisation du prénom d'une victime pour sa diffusion via des médias facilite d'adhésion du consommateur de média. Cette technique réduit la distance entre le drame et les lecteurs en dépersonnifiant la victime. Nommer par le prénom donne l'illusion d'une intimité. On se surprend à imaginer que c'est arrivé en bas de chez vous nous. On se surprend à comparer la victime à ses enfants, à son entourage, voisinage.

Que penser de cette technique? A notre sens, la seule question qui vaille le coup d'être posée est: cela sert ou dessert t'il les victimes ou leurs familles? Le deuil est il facilité? La proximité médiatique le favorise t'elle?

Panégyrique


Ha vous rigolez ! Pourtant, c’est inexorable, vous savez. Vous avez confiance, mais ça vous arrivera. Le début ? Ca dépend. C’est plus ou moins brutal, suivant les gens. Vous m’avez l’air chétif ; ca risque d’être lent pour vous. La lenteur ? si c’est bon ? Ha ! ca je vous la déconseille. Il est des matières où la lenteur développe ses qualités. Mais là, non, c’est même plutôt le contraire. Là, la lenteur vous fait vous dessécher sur l’arbre qui ne vous tient plus que parce qu’il n’a pas su rompre la cuticule qui vous unit.

Non, ne faites pas cette tête là ! Si ça se trouve, vous ne l’aurez même plus et vous ne vous en rendrez pas compte. Peur ? vous avez peur ? Ha ! vous rigolez moins maintenant. Je vous l’avais dit, ma méthode marche. Permettez que je poursuive. Primo, vous allez connaitre des aberrations temporelles. Les distances rétréciront d’autant que le temps s’accélèrera. De plus, votre rythme cardiaque cessera d’être en adéquation avec vos activités. Il sera ou trop élevé ou trop lent. Enfin, viendra un moment où vous serez de plus en plus isolé, ce seront ou vos facultés qui en seront la cause, ou la société.

Inutile de vous lever, la porte est condamnée. Je vous avez prévenu, la thérapie est dure, mais vous vous y êtes engagé. Qu’on en finisse ? Ça ne sera pas long. Vous êtes un client passionné, votre traitement est rapide. J’ai juste une chose à ajouter, et ca sera fini : ça débutera le jour où vous vous direz : « rien ne va plus, c’est plus comme avant. » Oui, ce jour là, vous serez vieux.

Rédigé pour les impromptus littéraires. Thème de la semaine: rien ne va plus.

Friday 11 February 2011

Ca tourne par rond

12h14 :

Il tournait en rond derrière cette foutue rampe de sécurité. Il avait bien appelé les garages des environs. Sans succès. « Y’a personne entre midi et deux, rappelez plus tard. » Et ce putain de rendez vous qui était en train de lui filer sous le nez.

Craignant les voitures déboulant sur la rocade, il se glisse par la porte passager et tente un ultime coup de clé. Le démarreur patine, la voiture cale. Il renouvèle l’opération, frénétiquement puis nerveusement jusqu’à noyer le moteur. Ses nerfs passés, retour derrière la glissière. 

Il avait pourtant dépensé une brique le mois précédent en réparations diverses sur son moteur. Et là, la voiture s’est arrêtée, sans raison. Comme si elle voulait juste faire chier. Ouais elle le fait chier. Et quoi de plus ridicule qu’un mec, gileté de jaune, pendu à son portable et qui regarde nerveusement sa bagnole qui clignote sur le bord de la route ? Un sacré looser ouais !

12h50 :

Bientôt une heure, il a chaud et faim. Et pas une goutte d’eau à la ronde. Ha, ce putain de « midi et deux rappelez plus tard. » Rien à faire. Il tente encore une fois d’appeler ce foutu garage « Gouvil. » Toujours cette fichue musique avec cette niaise qui radote les horaires d’ouverture de la boutique. Ca va, on les saura ! T’es sur qu’on débarquera pas le dimanche à 12h45 !

Il opte pour la position assise, augmentant d’autant plus son niveau de ridicule. Le flot des voiture ralentit, marquant l’apogée de la trêve du « midi et deux. »

13h22 :

Enième tentative d’appel, énième musique, énième radotage. Et le portable commence à biper, la batterie faiblit. Et si en plus il s’y met lui aussi ! Nan mais c’est l’comble ! Y’a des jours ou la loi d’Murphy joue à plein ! OpenMindedWorld

La fureur le fait se relever et gesticuler sur le terre plein latéral. Remarquant qu’il atteint le paroxysme du ridicule –le mec, gilet, téléphone, voiture, qui tourne en rond en s’énervant, tout seul sur le bord de la route- il se rassoit.

13h53 :

La fureur a fait place à l’abattement à l’affichage de la mention : « Low battery. Turnig device off. » Il a la tête entre les genoux, la faim au corps, la soif qui le tenaille. 

14h12 :

Il tente une percée dans l’habitacle pour constater la fin du « midi et deux rappelez plus tard. » Machinalement, et sans espoir, il tourne le contact. Le moteur démarre. 

Texte pour les impromptus littéraires dont le thème de la semaine était: ronde.

Sunday 6 February 2011

Aphorismes sur la raison

On avait fait 4 heures de piste en plein sahel et le moteur a commencé à fumer. Arrêt technique. Les mecs sont allés voir le moteur, nous on est restés à rôtir dans la bagnole. Au bout d’une demi-heure on a fait comprendre aux mecs que la situation devenait chaude. Là mon oncle a pété un plomb et nous a envoyé promener à l’ombre de la falaise.

On dégage donc et, dans la falaise, on tombe sur une grotte avec un vieux noir dedans. Il nous salue, français impeccable. 

On reste. On ouvre LA bouteille d’eau (chaude), et on tente de faire la sieste à l’ombre. Le vieux reste dans son coin. Je l’oublie. Je m’adosse à la paroi, plus par respect du rituel familial de la sieste que par sommeil. Pour me donner une consistance, je prends mon Moleskine® et mon Bic® et tente un croquis. 

J’entends alors le vieux qui tape deux coups avec son bâton et qui déclame d’une voix calme mais et claire : «  la déraison ne vit que de la violation des limites. » 

Je note. Intimidé par cet aphorisme, je n’ose me retourner, et gribouille autour de la phrase que j’ai noté. Je continue mon gribouillage, consciencieusement, pour ne pas me faire repérer.

Deux coups. « Le réel est fini, la raison, conscience finie, est donc indéfinie. »

Je note, le nez toujours en direction des pages blanches posées sur mes genoux. Je relis la phrase. Purée, il est calé le vieux. Il a beau être au fond de sa grotte, il garde la forme intellectuelle. Ca doit surement être une sorte de sage, ouais, c’est …

Deux coups. « L'infinité du pouvoir de connaissance repose sur la finitude de la constitution de la raison »

Je note. Whow, mais la, attend, il est grave calé le Grigot ! Attend, je capte queue d’al ! Je relis… Ha, nan, mais là, je pige rien ! Et en plus…

Subitement, le vieux se lève, marche en direction de la sortie et, arrivant à mon niveau, me jette un bouquin* et lâche « nan mais c’est vraiment d’la merde la philo. »

* La philo pour les nuls

Texte préparé pour les Impromptus littéraires. Thème de la semaine: la raison des limites.