Sunday 6 February 2011

Aphorismes sur la raison

On avait fait 4 heures de piste en plein sahel et le moteur a commencé à fumer. Arrêt technique. Les mecs sont allés voir le moteur, nous on est restés à rôtir dans la bagnole. Au bout d’une demi-heure on a fait comprendre aux mecs que la situation devenait chaude. Là mon oncle a pété un plomb et nous a envoyé promener à l’ombre de la falaise.

On dégage donc et, dans la falaise, on tombe sur une grotte avec un vieux noir dedans. Il nous salue, français impeccable. 

On reste. On ouvre LA bouteille d’eau (chaude), et on tente de faire la sieste à l’ombre. Le vieux reste dans son coin. Je l’oublie. Je m’adosse à la paroi, plus par respect du rituel familial de la sieste que par sommeil. Pour me donner une consistance, je prends mon Moleskine® et mon Bic® et tente un croquis. 

J’entends alors le vieux qui tape deux coups avec son bâton et qui déclame d’une voix calme mais et claire : «  la déraison ne vit que de la violation des limites. » 

Je note. Intimidé par cet aphorisme, je n’ose me retourner, et gribouille autour de la phrase que j’ai noté. Je continue mon gribouillage, consciencieusement, pour ne pas me faire repérer.

Deux coups. « Le réel est fini, la raison, conscience finie, est donc indéfinie. »

Je note, le nez toujours en direction des pages blanches posées sur mes genoux. Je relis la phrase. Purée, il est calé le vieux. Il a beau être au fond de sa grotte, il garde la forme intellectuelle. Ca doit surement être une sorte de sage, ouais, c’est …

Deux coups. « L'infinité du pouvoir de connaissance repose sur la finitude de la constitution de la raison »

Je note. Whow, mais la, attend, il est grave calé le Grigot ! Attend, je capte queue d’al ! Je relis… Ha, nan, mais là, je pige rien ! Et en plus…

Subitement, le vieux se lève, marche en direction de la sortie et, arrivant à mon niveau, me jette un bouquin* et lâche « nan mais c’est vraiment d’la merde la philo. »

* La philo pour les nuls

Texte préparé pour les Impromptus littéraires. Thème de la semaine: la raison des limites.

No comments: