Friday 13 May 2011

Rose


Je suis née il y a quatre mois, en Tanzanie. Une enfance paisible à vrai dire. On avait beaucoup, voir trop à manger. Mes voisines, ouais, sympa. Moi, l’organisation me paraissait un peu trop militaire. Mais, enfin, il faisait chaud, on buvait beaucoup. On grandissait bien.
C’est il y a un mois qu’on s’est doutées de quelque chose. Ça paraissait trop beau. Ce qu’il se passait ? Pardon, mais, je me sens pas bien ici. Un mouchoir ? merci. Ha ! Oui, en fait, on a remarqué que ceux qu’on appelait nos « anges gardiens » tellement ils s’occupaient bien de nous, commençaient à nous regarder d’un peu trop près. Tu vois, ils nous tripotaient quoi.
Puis, ça a commencé. Je me souviens, je dormais, il était tôt. Un des « anges gardiens » s’affairait à l’autre bout du couloir. J’entendais du bruit, mais, quand on est 400 à dormir dans un même endroit, c’est normal. J’ai l’ouïe fine et curieuse, j’ai tendu l’oreille. Alors, j’ai compris avec frayeur que, non, ce n’était pas des bruits normaux. On cueillait mes voisines dans leur sommeil. Méthodiquement.
La terreur se rapprochait de moi. Je ne pouvais pas fuir, j’ai été prise. On s’est retrouvées dans des grosses boites, serrées, suffocantes, avec juste un linge humide aux pieds. La boite à bougé violemment pendant 4 heures, puis plus rien jusqu’à ce que ça recommence et que la ce soit pire. Ça bougeait moins, mais le bruit était infernal. J’avais vraiment l’impression de manquer d’air. Il faisait très froid aussi.
Ça s’est arrêté et ça a encore recommencé, comme au début, mais en beaucoup plus froid. D’un seul coup on a été sorties du carton, habillées à la hâte d’un vulgaire pagne en plastique et on a commencé à passer de mains en mains.
Et maintenant, je me trouve à faire le trottoir, au bras d’un paqui. Il brise les couples qui dinent tranquillement, plongeant son buste entre eux, les assommant d’un « Belle rose pour belle fille ? » Je vaux deux euros.
Un mec avec du gras au menton m’a acheté et m’a tendu à une blonde pétasse qui a grimacé un merci. J’ai été trimbalée la tête en bas, avant de tomber ici.
Et maintenant, je parle avec toi, dans cette poubelle… 
Texte composé pour les impromptus littéraires pour le sujet "Dites le avec des fleurs."

1 comment:

Annick SB said...

Il est excellent ton texte !
Je l'avais raté sur les Impromptus ; heureuse de le découvrir sur ton blog : bravo pour l'inférence ;)